Jōdo Shinshū et méditation
Contrairement à la plupart des autres formes de Bouddhisme, la méditation ne fait pas partie des pratiques standards du Jôdo Shinshû. Aux yeux de Shinran Shônin, le fondateur de notre école, la méditation était perçue comme une pratique se basant sur les pouvoirs personnels du pratiquant et de plus inaccessible au commun des mortels. En effet, à son époque, la méditation était l’apanage des moines et peu de laïcs pouvaient la pratiquer.
Shinran Shônin avait rejeté toutes les pratiques classiques du Bouddhisme jugées inadaptées aux capacités des personnes de son temps, pour se concentrer uniquement sur une pratique accessible à tous : le Nembutsu, c’est-à-dire le fait de penser ou de réciter le nom du Bouddha Amida, symbole de Compassion et de Sagesse Infinie. Pour lui cette pratique avait l’avantage d’être simple, ne nécessitant pas d’instructions spécifiques. De plus le Nembutsu étant une pratique basée sur un symbolisme dépassant les capacités du pratiquant, elle s’adressait à tous, peu importe ses qualités ou ses défauts.
Ainsi, beaucoup de pratiquants du Jôdo Shinshû voient la méditation comme une sorte d’interdit qui ne serait pas compatible avec notre école. Faut-il en déduire qu’un pratiquant du Jôdo Shinshû ne doit pas méditer ?
Mon avis personnel est que la méditation n’est pas incompatible avec le Jôdo Shinshû.
Déjà parce que comme vu précédemment, le Jôdo Shinshû se distingue des autres écoles du Bouddhisme par son absence de règles. Il n’y a donc pas d’interdits et le fait de pratiquer ou non la méditation reste donc un choix personnel.
De plus, selon moi, il est important de faire une distinction entre la situation à l’époque de Shinran Shônin et notre situation actuelle. Dans notre société actuelle, contrairement au monde médiéval dans lequel vivait Shinran, un des plus grands empêchements à la pratique spirituelle est la présence constante de distractions et l’accélération permanente de nos rythmes de vie. Nous voulons tout, tout de suite, et avons beaucoup de mal à nous arrêter ne serait ce que quelques minutes. Ainsi de nombreuses personnes se tournent vers la méditation pour retrouver le calme et freiner le rythme effréné de leurs vies imposé par notre société moderne. Pour ces personnes, la méditation peut être utilisée en préparation au Nembutsu afin de créer un terrain spirituel propice à nourrir leur pratique du Nembutsu, comme peut l’être le fait d’allumer de l’encens. Dans ce cas la méditation perd la connotation qu’elle avait pour Shinran Shônin de pratique basée sur le pouvoir personnel du pratiquant, car elle est réalisée dans la seule optique de faciliter la pratique du Nembutsu et l’action de s’en remettre à la Compassion et Sagesse Absolue symbolisée par le Bouddha Amida.
Et vous qu’en pensez-vous ?
Pour celles/ceux qui parlent anglais et sont intéressé(e)s par ce débat sur la méditation au sein des temples Jôdo Shinshû, je vous conseille cet article du New York Times.
2 commentaires
Umberto
Bonjour,
très beau site. Merci.
Merci également pour l’article.
Le problème avec la « méditation » est qu’elle est un cheval de Troie d’un scientisme occidental utilisé pour dessécher l’horizon métaphysique du bouddhisme.
S’il s’agissait de prendre quelque minute pour avoir une posture intérieure digne, comme vous le dite, cela ne me semblerait pas une déviation de l’enseignement de Shinran. Donc, une méditation proposée avec les nécessaires précisions du contexte Shinran… pourquoi pas.
Mais on sait très bien qu’aujourd’hui la méditation est pratiquée dans le but de s’arrêter à cet état de maîtrise de l’esprit (que les bouddhistes condescendants situent dans le cerveau, dans une pure perspective matérialiste – on met les électrodes sur le crâne des moines et pas sur leur cœur 😊 ). Puis on devient accros à cette état de calme et de vide artificiel… en se croyant déjà toucher le nirvana. Ce qui me semble avoir justement été dénoncé par Shinran.
La façon dont la méditation est à la mode et pratiquée aujourd’hui, montre qu’on ne médite pas pour se libérer du cycle de renaissances… Cette croyance fondamentale pour le bouddhisme est même devenue peu politiquement correcte, et elle est omise quand on veut faire connaître le bouddhisme. Pire, on dit qu’on renais à chaque instant, donc avec la méditation de l’instant nous nous « ouvrons » à « l’expérience pure », nous restons dans l’ouverture, dans la spatialité… et dans d’autres expressions à effet de ce genre. Plus besoin de penser à la vision un peu primitive de la renaissance. C’était une métaphore.
Je suis, donc, très sceptique sur cette adoption de la méditation dans l’école Shinran. Et j’espère que cela ne se répandra pas car cela signifierait que l’occident aura « modernisé » même cette école, en vidant tout le bouddhisme de son cœur mystique et religieux, le réduisant à une psychothérapie exotique.
Cordialement
Umberto
Mikhail Idvanoff
Sujet délicat.
Ce qui se produit de nos jours, c’est que la médiation (notamment bouddhiste) est quasiment une récupération par le mode de production, comme méthode somnifère « bien-être », de compensation. Donc, là où elle était difficile à pratiquer pour les personnes « laïques » du temps de Shinran (et avant), elle est presque conseillée/obligatoire (avec le Xanax) de nos jours pas le mode de production capitaliste, évidemment surtout dans les contrées où il existe encore un certain confort (dans un pays en guerre où une maman doit trouver de l’eau pour ses enfants, cela me parait difficile…). Cela revient à une pratique « mélangée ». C’est juste un constat. A titre personnelle, je ne peux pas méditer (raison de santé, et cela ne mréussit pas) mais en ayant accès aux : Shingon (ex. Kômyô), Odaimoku, Nembustu, etc. Il me semble que ça fait beaucoup. Que c’est contradictoire. Alors, je n’y vois pas d’interdits, par une réaction violente, contraignante, etc. Mais on se disperse. Chacun doit se connaitre et choisir une voie. Dans une conférence, Philippe Cornu disait qu’il était normal de papilloner, mais que l’ennui, était que certains papillonnaient toute leur vie. D’un autre côté, certains craignent une approche « sectaire ». Ou peuvent ressentir une lassitude, ont besoin de varier, de garder une ouverture. Mais ouverture à quoi ? Donc, c’est délicat. Malgré tout, il me semble, qu’à un moment donné, il est bien mieux de choisir une méthode surtout dans un monde autant en confusion. Conférence de 2014 par Dominique Trotignon (Théravada) sur le thème : La méditation a-t-elle encore à voir avec le bouddhisme ? https://www.youtube.com/watch?v=jJnWWrBHpmw.
Cordialement.