Jōdo Shinshū et Bouddhisme originel
Deux courts essais sur le lien entre le Jōdo Shinshū et le Bouddhisme originel
Dans ces deux articles courts, je souhaite discuter d’une question qui m’a été posée plusieurs fois : quel est le lien entre le Jōdo Shinshū et le Bouddhisme originel ?
Le Bouddha Amida et le Bouddha historique
On m’a plusieurs fois posé la question du lien entre le Bouddha historique, Shakyamuni, et le Bouddha Amida.
Afin de comprendre ce lien, il est important de rappeler quelques notions concernant l’histoire et l’évolution du Bouddhisme. Ce que nous appelons Bouddhisme commence avec un être humain bien réel, Siddhartha Gautama, qu’on surnomme également Shakyamuni. Il est assez difficile de connaître le contenu précis des enseignements qu’il donna car le Bouddhisme s’est transmis uniquement oralement pendant les 500 premières années. Cependant les spécialistes s’accordent pour dire que les enseignements de l’école Theravada, basés sur le canon Pali seraient les plus anciens. Ces enseignements du bouddhisme originel prônent la libération personnelle du pratiquant.
Avec les temps, le Bouddhisme s’est transformé pour s’orienter vers le Mahayana, une forme de Bouddhisme prônant la libération de tous les êtres en même temps que se libère le pratiquant. Avec le Mahayana s’est développé le besoin d’avoir des êtres œuvrant en permanence pour le bien de tous les êtres vivants, c’est à dire des Bouddha et Bodhisattva actifs à notre époque. Ces derniers représentant chacun une ou plusieurs qualités du Bouddha historique.
Assez vite, vers le début de notre ère, un de ses Bouddha a pris une importance particulière. Il s’agit du Bouddha Amida, symbole de la Sagesse et de la Compassion Absolue. Ainsi, bien que le Bouddha Shakyamuni soit mort depuis 2500 ans, le Bouddha Amida reste lui bien disponible pour tous à tout moment.
On peut considérer le Bouddha Amida comme un symbole immortel des qualités primordiales du Bouddha Shakyamuni poussées à l’extrême.
Jōdo Shinshū et Bouddhisme « originel »
Pour de nombreux pratiquants du Bouddhisme, mais aussi pour la plupart du grand public intéressé par le Bouddhisme, le Jōdo Shinshū apparaît comme une sorte d’OVNI.
En effet, ce dernier dispose de spécificités assez surprenantes pour une branche du Bouddhisme. Pour en citer les principales : ses prêtres mariés avec des enfants, ne se rasant pas le crâne, son absence de préceptes, l’absence traditionnelle de la pratique de la méditation au profit de la récitation exclusive du Nembutsu, sa vénération exclusive du Bouddha Amida. Certaines personnes en sont donc venues à se demander purement et simplement si le Jōdo Shinshū pouvait vraiment être une branche du Bouddhisme.
Pour répondre à cette question, il est important de se faire en premier lieu une image correcte du Bouddhisme. En effet, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, sous ce terme se trouvent regroupés des enseignements et des pratiques extrêmement variées. Il n’y a pas un seul Bouddhisme, car il s’agit d’une tradition qui s’est développée, raffinée et a mutée pendant plus de 2500 ans en s’adaptant à des cultures aussi différentes que celles de l’Inde, du Tibet, du Sri-Lanka, du Japon, et plus récemment des USA, du Brésil et de l’Europe.
Le Jōdo Shinshū est tout simplement une des évolutions les plus radicales du Bouddhisme. Fidèle aux idéaux du Mahayana, elle en garde tout ce qui fait sa force et le pousse dans ses extrêmes. Si tout le monde peut se libérer de la souffrance, alors même celui qui n’a pas d’éducation, ne peut devenir moine, ne peut payer pour entretenir les monastères… lui aussi peut devenir un Bouddha. Les personnes traditionnellement rejetées par les institutions Bouddhiques en raison de leurs modes de vies ne sont plus rejetées.
Le Jōdo Shinshū c’est débarrassé du dernier frein du Mahayana qui l’empêchait de vraiment accomplir son idéal d’Universalité : l’accent mis sur les pratiques personnelles. En les remplaçant par une simple prise de refuge dans le Bouddha Amida accompagnée du Nembutsu, permettant de mettre de côté son propre égo en le remplaçant petit à petit par les qualités du Bouddha, le salut dans cette vie proposé par le Mahayana devient accessible à tous.