Retraite et Kikyoshiki en France
Du 3 au 5 octobre 2024 s’est tenue pour la première fois en France une retraite et une cérémonie de Prise de Refuge (Kikyoshiki) dans la branche Shinshû Ôtani-ha du Jôdo Shinshû.
Dans cet article que j’avais écrit il y a plus de 5 ans, je vous avais parlé de ma propre cérémonie de Kikyoshiki qui s’était déroulée à Kyôto en 2018. Je vous avais expliqué à l’époque à quel point il était difficile pour un étranger de pouvoir participer à cette cérémonie et qu’il n’était alors pas possible de le faire en France. Cela a changé depuis que j’ai eu l’opportunité de devenir le premier moine Français Jôdo Shinshû en 2022.
L’année dernière, nous avons reçu la demande de George et de Julien, deux pratiquants du Jôdo Shinshû qui souhaitaient rejoindre officiellement la Branche Shinshû Ôtani-ha. Avec le soutien d’un moine et une nonne Japonais vivant aux États-Unis, les Rev. Nakura et Osa, nous avons donc décidé d’organiser pour eux une retraite Bouddhiste de 3 jours se concluant par une cérémonie de Kikyoshiki.
Qu’est-ce que le Kikyoshiki ?
Le Kikyoshiki est une cérémonie officielle de prise de refuge dans les trois trésors que sont le Bouddha, le Dharma (ses enseignements) et la Shanga (la communauté Bouddhiste). Suite à cette cérémonie, le participant reçoit un nom Bouddhiste qui commence par Shaku, indiquant qu’il fait désormais partie de la famille du Bouddha Shakyamuni. Il rejoint alors officiellement la Branche Shinshû Ôtani-ha du Jôdo Shinshû et son nom est enregistré dans les registres du Temple Mère à Kyôto.
Le planning de la retraite
Comme lieu de retraite, nous avons choisi mon domicile dans une petite ville tranquille du Jura. Comme je n’ai actuellement pas un niveau de moine suffisant pour présider moi-même à une cérémonie de Kikyoshiki, les Rev. Nakura et Osa sont venus depuis les États-Unis afin de diriger la retraite et la cérémonie. La Rev. Osa était en charge de la création du déroulé de la retraite, le Rev. Nakura était en charge de présider au Kikyoshiki, et de mon côté j’étais en charge de la logistique et des conférences données pendant les 3 jours.
Pour vous donner un aperçu de l’organisation de cette retraite Bouddhiste, voici le planning défini par la Rev. Osa :
3 octobre (jeudi)
- 16h00 – 17h00 : Cérémonie d’ouverture / Orientation
- 17h00 – 18h00 : Conférence et discussion 1
- 18h00 – 19h00 : Dîner
- 20h00 : Discussions
4 octobre (vendredi)
- 7h00 : Réveil
- 8h00 – 9h00 : Service du matin
- 9h00 – 9h30 : Petit-déjeuner
- 10h00 – 11h30 : Conférence et discussion 2
- 12h00 – 13h00 : Déjeuner
- 13h00 – 14h00 : Pratique du chant (Shôshinge)
- 14h00 – 16h00 : Conférence et discussion 3
- 16h00 – 17h00 : Service du soir et présentation pour une courte autoréflexion
- 17h00 – 18h00 : Marche
- 18h00 – 19h00 : Cuisine et dîner
- 20h00 : Discussion
5 octobre (samedi)
- 8h00 : Réveil et nettoyage
- 8h30 – 9h30 : Petit-déjeuner
- 9h30 – 11h30 : Cérémonie de Prise de Refuge et présentation du nom du Dharma
- 12h00 – 13h00 : Déjeuner
Les retraites Bouddhistes dans le Jôdo Shinshû sont très différentes de celles dans le Zen. En effet, dans notre branche les retraites se passent dans une ambiance relaxée, nous n’hésitons pas à modifier le planning selon les besoins et surtout nous mettons énormément l’accent sur les discussions ouvertes relatives au Bouddhisme.
Ainsi chacun a l’occasion de partager son avis sur les points de doctrine, de poser ses questions et d’exposer ses doutes. Le but étant de cultiver une ambiance propice à l’échange pour que chacun puisse approfondir sa compréhension des enseignements.
Comme nous avons eu l’occasion de l’expliquer sur ce site, il n’y a pas de hiérarchie dans le Jôdo Shinshû. Nous considérons que moines autant que laïcs sont des Bonbu, des êtres bardés de passions mauvaises. Ainsi la seule différence entre les moines et les laïcs est relative au temps passé à étudier la doctrine et les rituels, ce qui permet notamment aux moines d’enseigner. Du fait de cette absence de hiérarchie, il est très facile pour les laïcs d’oser poser leurs questions aux moines et d’avoir des discussions informelles avec eux.
Comme indiqué plus haut, de mon côté j’étais en charge des 3 conférences de jeudi et vendredi. Comme je savais que les deux participants aimaient particulièrement le penseur moderne de la Branche Shinshû Ôtani-ha Kiyozawa Manshi, j’ai axé mes lectures sur une analyse de son essai le plus connu « Ma conviction religieuse », que j’ai traduit en Français ici. Ces conférences incluaient plusieurs passages de discussions permettant aux participants de donner leur avis et partager leur expérience relative aux sujets abordés dans le texte.
Déroulé du Kikyoshiki
La cérémonie complète a duré presque 2 heures. En voici le déroulé :
Période de 5 minutes de réflexions
Ce temps de calme au début de la cérémonie permet aux participants ainsi qu’aux officiants de se recueillir et de méditer sur l’importance de cette cérémonie.
Vandana, Ti-sarana et Trois Trésors
Après avoir fait Gasshô, joint les mains en signe d’hommage au Bouddha, nous commençons les chants classiques Vandana et Ti-sarana. Deux chants traditionnels Bouddhistes communs à la majorité des traditions Bouddhistes qui rendent hommages au Bouddha et aux 3 trésors. Nous récitons ensuite ensemble la prise de refuge dans les 3 trésors :
« Je prends refuge dans le Bouddha. Puissions-nous, accompagné de tous les être sentients, nous élancer sur le grand chemin de l’Eveil, gardant dans notre cœur la suprême aspiration.
Je prends refuge dans le Dharma. Puissions-nous, accompagné de tous les êtres sentients, entrer dans le coffre au trésor du Dharma, et atteindre la véritable sagesse qui est aussi profonde que l’océan.
Je prends refuge dans la Sanga. Puissions-nous, accompagné de tous les êtres sentients, unis dans un esprit de fraternité universel en tant que membres de la Sanga, œuvrer pour l’Eveil de tous les êtres.
L’incomparable, vaste et profond Dharma est difficile à rencontrer, même en l’espace de Kalpas incalculables. Maintenant nous avons le privilège de l’entendre et de le recevoir. Faisons de notre mieux pour entièrement comprendre le sens réel de l’appel infini d’Amida. »
Okamisori – coupe rituelle des cheveux
Cette partie du Kikyoshiki est très importante. Elle miroite la cérémonie de rasage de crâne que les moines suivent lors de leur ordination. Dans le cadre du Kikyoshiki, cet acte de rasage est reproduit symboliquement par l’officiant qui pose 3 fois un rasoir sur la tête du participant. A chaque pose de rasoir, l’officiant et le participant répètent un des trois trésors : Je prends refuge dans le Bouddha ; Je prends refuge dans le Dharma ; Je prends refuge dans la Shanga. Par cet acte rituel, le participant entre officiellement dans la famille du Bouddha
Reçu du Nom de Dharma
L’officiant offre alors aux participants leur nom Bouddhiste et leur en explique la signification. Comme le Rev. Nakura connaissait déjà Julien et George, il a choisi lui-même leur Nom de Dharma. Pour Julien il a sélectionné Shaku Renkô (釈連光), Disciple de Shakyamuni « Lumière du Lotus » et pour George le nom Shaku Ganshô (釈願照), Disciple de Shakyamuni « Illumination du Vœu Primordial ».
Shôshinge, Nembutsu, Wasan et Ekô
Nous chantons ensuite tous ensemble le Shôshinge, le poème du fondateur du Jôdo Shinshû Shinran Shônin résumant ses enseignements dont je viens de publier un commentaire papier. Ce chant est suivi de la récitation du Nom du Bouddha Amida, le Nembutsu, d’un autre poème de Shinran et du transfert de mérite.
Lecture des Ofumi et de la préface du Kyôgyôshinshô
Le Rev. Nakura a ensuite lu une des lettres de Rennyô, le descendant de Shinran ayant propagé le Jôdo Shinshû au Japon grâce à ses lettres. Puis il nous a lu la préface du Kyôgyôshinshô, l’œuvre principale de Shinran.
Prêche sur le Dharma
Chacun des trois officiants, le Rev. Nakura, la Rev. Osa et moi-même avons ensuite prononcé un court prêche sur le Dharma, mettant en avant l’importance de cette cérémonie de Kikyoshiki dans une vie.
Enfin la cérémonie s’est terminée sur un prêche des deux participants, George et Julien, qui ont pu exprimer leur joie d’être devenus officiellement Bouddhistes dans la Branche Shinshû Ôtani-ha.
Julien a notamment parlé de ses efforts de traduction des textes du Jôdo Shinshû sur son site et Geroge de projets pour aider à la propagation du Jôdo Shinshû en France et en Thaïlande.
Ainsi s’achevait la toute première Retraite et Kikyoshiki dans la branche Shinshû Ôtani-ha du Jôdo Shinshû en France. Il s’agissait d’un évènement historique pour cette tradition vieille de plus de 700 ans. Nous espérons qu’il s’agit de la première d’une nombreuse série de futures retraites et Kikyoshiki dans notre beau pays. Si vous êtes intéressés pour en apprendre plus sur le Jôdo Shinshû ou que vous souhaitez nous rejoindre lors d’une prochaine session de Kikyoshiki, n’hésitez pas à me contacter via ce site. Vous pouvez aussi me poser vos questions lors de mes lives sur Twitch.