Shōshinge – Troisième Stance : la méditation de cinq kalpas de Dharmākara
Sur la méditation de cinq kalpas de Dharmākara et ses 12ème et 17ème voeux
Introduction
Le Shōshin Nembutsu Ge (正信念佛偈 – le poème sur la croyance véritable dans le Nembutsu) souvent abrégé Shōshinge est un poème long de 30 stances qui est récité tous les jours dans les temples Jōdo Shinshū. Il est extrait du Kyōgyōshinshō (教行信証), l’œuvre majeure de Shinran (親鸞, 1173 – 1262), le fondateur de notre école Jōdo Shinshū.
Dans cette troisième stance, Shinran continue sa description des événements du « Grand Soutra de Vie-Infinie » en se concentrant sur la méditation de cinq kalpas de Dharmākara et l’établissement de ses 12ème et 17ème vœux.
Troisième stance du Shōshinge – Traduction
(3) Pendant cinq kalpas (périodes cosmiques), il médita sur ses vœux,
五劫思惟之攝受 – Go kō shi yui shi shō ju
Et il réaffirma sa promesse que son nom sera entendu dans les dix directions.
重誓名聲聞十方 – Jū sei myō shō mon jip pō
Partout, il répand sa lumière infinie, illimitée,
普放無量無邊光 – Fu hō mu ryō mu hen kō
Sans-entraves et sans pareille, lumière-reine de flamboyance.
無礙無對光炎王 – Mu ge mu tai kō en nō
Troisième stance du Shōshinge – Commentaire : la méditation de cinq kalpas de Dharmākara et ses 12ème et 17ème voeux
Avant de prendre n’importe quelle décision importante relative à l’éthique ou la morale, il est important de réfléchir mûrement afin d’être certain que notre décision sera bénéfique au plus grand nombre.
Dans la stance précédente, nous avons vu que suite à la présentation de Lokeshvararaja, Dharmākara a défini ses vœux pour la première fois. C’est-à-dire qu’il a maintenant une idée assez claire de la façon de bénéficier tous les êtres et de ce qu’il doit mettre en place pour arriver à ce résultat.
Cependant avant de se lancer concrètement dans l’action, Dharmākara décide de prendre un temps de réflexion. Il veut être certain que ce qu’il va mettre en place sera non seulement réalisable, mais permettra bien de répondre aux besoins de tous les êtres. Il veut être sûr que sa promesse n’exclura personne, pas un seul être. Pour cela, il va s’asseoir et méditer sur son vœu et sa future pratique pendant cinq périodes cosmiques, c’est-à-dire plusieurs centaines de millions d’années.
Dharmākara a très bien conscience que les êtres dans les dix directions de l’espace souffrent pendant qu’il réfléchit, et il va de soi qu’il ne désire qu’une chose : les aider tous au plus vite. Cependant plutôt que de se précipiter et risquer de partir sur une mauvaise voie, il préfère prendre le temps de s’assurer que son plan est parfait avant de se lancer. Dans le Soutra, le résultat de cette réflexion sera une liste de quarante-huit vœux que Dharmākara souhaite réaliser.
Pour la plupart d’entre nous, nous avons passé énormément de temps à réfléchir au sens à donner à notre vie, aux valeurs sur lesquelles baser nos actions avant de nous décider à suivre la voie bouddhique. Et même une fois la décision prise de devenir bouddhiste, beaucoup d’entre nous ont étudié auprès de différentes écoles bouddhiques avant de choisir le Jōdo Shinshū. En cela notre parcours reflète celui de Dharmākara : il est le fruit d’une longue évolution continue de nos façons de penser nous ayant finalement amené jusqu’aux vœux de Dharmākara.
Shinran introduit ensuite deux des quarante-huit vœux de Dharmākara qui ont pour lui une importance capitale :
Dans le 17ème vœu, Dharmākara proclame que : «
Si, lorsque je serai devenu Bouddha, les Bouddhas des dix directions qui sont en nombre incalculable ne prononçaient pas tous mon nom en signe d’approbation, alors que je n’obtienne pas l’Eveil Parfait.
Ce vœu est la base du chapitre sur la pratique dans l’ouvrage principal de Shinran, le Kyōgyōshinshō.
Le 12ème vœu proclame que :
Si, lorsque je serai devenu Bouddha, ma lumière devait être limitée et ne pas être suffisante pour couvrir au moins des centaines de milliers de kotis de Terre de Bouddha, alors que je n’obtienne pas l’Eveil Parfait.
Ce vœu est à la base du chapitre sur le vrai Bouddha et la vrai Terre Pure du Kyōgyōshinshō.
Ces deux vœux sont importants car ils décrivent les deux moyens par lesquels Dharmākara veut atteindre tous les êtres sentients des dix directions de l’espace : sa Lumière et son Nom. Shinran décrit ces deux éléments comme le père et la mère du pratiquant du Nembutsu dans le chapitre sur la pratique dans le Kyōgyōshinshō :
En vérité nous savons que sans le Nom plein de vertus, notre père compatissant, la cause directe de notre naissance [dans la Terre Pure] serait manquante. Sans la Lumière, notre mère compatissante, nous serions séparés de la cause indirecte de notre naissance [dans la Terre Pure]. Mais même si les causes directes et indirectes en viennent à se rencontrer, si la conscience Karmique de la foi est manquante, on ne peut atteindre la Terre de Lumière (c’est-à-dire le Nirvana). Le Nom et la Lumière – notre père et notre mère – sont les causes externes. Lorsque la cause interne et les causes externes fusionnent, on réalise le Vrai Corps [de la Loi] dans la Terre pleinement réalisée (c’est-à-dire que nous devenons des Bouddhas pleinement accomplis en réalisant l’éveil parfait).
Ainsi, puisque Dharmākara a fait le vœu de propager sa Lumière et son Nom à l’Infini dans les dix directions, les deux causes externes décrites dans le passage ci-dessous sont bien disponibles à tout moment pour tous les êtres. C’est pour cela que nous disons qu’une forme de Compassion et de Sagesse Infinies est disponible pour tous les êtres à chaque instant. En effet, la Lumière et le Nom sont deux puissants symboles :
- La Lumière représente pour Shinran la Sagesse Illimité du Bouddha qui éclaire les ténèbres de notre ignorance.
- Le Nom de son côté symbolise l’entièreté des vertus attribuées au Bouddha Amida, incluant sa Compassion Infinie pour tous les êtres.
Cependant, pour que ces deux causes externes puissent changer le pratiquant, il faut que celui-ci réalise la cause Interne : s’en remettre à la Compassion et la Sagesse Infinies que représente le Bouddha Amida.
Le révérend Soga Ryōjin, un des penseurs modernes les plus influents de notre école, dans son essai « un Sauveur sur Terre » suggère que :
Quand nous considérons le moment où, il y d’innombrables kalpas, le Bodhisattva Dharmākara prononça son vœu et le moment au cours duquel nous obtenons la foi comme un seul moment absolu, le vœu de Dharmākara prend place au sein de notre foi dans le moment présent. Ces deux moments sont le commencement et la conséquence d’un seul moment-unique.
En effet, lorsque nous décidons de nous en remettre entièrement à la Compassion et la Sagesse Infinies du Bouddha Amida, nous faisons des vœux de Dharmākara notre propre idéal. Nous décidons que les valeurs que représentent Dharmākara, celles qui sont le résultat final de sa méditation de cinq Kalpas, pointent vers le même idéal que le nôtre.
En considérant cette interprétation de Soga Ryōjin, nous comprenons que cette troisième Stance du Shōshinge présente les trois causes réalisées par Dharmākara pour nous permettre d’entrer dans la famille du Bouddha :
- les deux causes externes que sont la Lumière et le Nom grâce au 12ème et au 17ème vœux, qui symbolisent la Compassion et la Sagesse disponibles pour tous à tout moment.
- la cause Interne qui est notre action de placer notre confiance dans les vœux de Dharmākara réaffirmés à la suite de sa méditation de cinq kalpas. Par cette action, l’idéal de Dharmākara ainsi que ses vœux deviennent notre propre idéal et la base de notre pratique.
Deuxième Stance du Shōshinge | Quatrième Stance du Shōshinge |
En couverture, une statue de Dharmākara lors de sa méditation de cinq kalpas.
Pour en savoir plus sur Soga Ryōjin, nous vous conseillons « A Soga Ryōjin Reader » de Jan Van Bragt.