Shinran Shōnin,  Shōshinge,  Traductions

Shōshinge – Deuxième Stance : Dharmākara et Lokeshvararaja

L’apprentissage de Dharmākara auprès de Lokeshvararaja

Introduction

Le Shōshin Nembutsu Ge (正信念佛偈 – le poème sur la croyance véritable dans le Nembutsu) souvent abrégé Shōshinge est un poème long de 30 stances qui est récité tous les jours dans les temples Jōdo Shinshū. Il est extrait du Kyōgyōshinshō (教行信証), l’œuvre majeure de Shinran (親鸞, 1173 – 1262), le fondateur de notre école Jōdo Shinshū.
Dans cette deuxième stance, Shinran continue sa description des événements du « Grand Soutra de Vie-Infinie » en se concentrant sur l’apprentissage de Dharmākara auprès de Lokeshvararaja


Deuxième stance du Shōshinge – Traduction

(2) Il examina les causes [à l’origine] des Terres Pures de tous les Bouddhas

覩見諸佛淨 To ken sho butsu jō do in

Ainsi que les qualités et les défauts de ces Terres, de leurs Hommes et de leurs Dieux,

國土人天之善惡Koku do nin den shi zem maku

Il établit ses vœux suprêmes et incomparables

建立無上殊勝願Kon ryū mu jō shu shō gan

Il fit de grands vœux, rares et universels.

超發希有大弘誓Chō hotsu ke u dai gu zei


Deuxième stance du Shōshinge – Commentaire : L’apprentissage de Dharmākara auprès de Lokeshvararaja

Il me parait important dans notre vie de garder un œil critique sur notre société. Quels sont ses qualités, mais aussi quels sont ses défauts. Et surtout que pouvons-nous faire pour changer notre monde pour le rendre meilleur.

Si nous avions le pouvoir de créer un monde parfait, à quoi ressemblerait-il ? Et quels critères nous permettent de juger si notre vision de ce monde parfait est juste ?

Dans le « Grand Soutra de Vie-Infinie » après avoir rencontré le Bouddha Lokeshvararaja, le bodhisattva Dharmākara lui fait une demande particulière. Il lui dit qu’il souhaite créer sa propre Terre de Bouddha, un environnement purifié aux innombrables qualités pour que tous les êtres qui souhaitent progresser sur le chemin spirituel puissent en profiter. Mais il avoue à son maître qu’il ne sait pas vraiment comment s’y prendre.

Plutôt que d’accepter directement de l’aider, le Bouddha lui répond :

Tu devrais pourtant savoir par toi-même comment créer un monde parfait !

Et par cette réponse, Lokeshvararaja va tester la maturité de son disciple.

Si Dharmākara s’était contenté de répondre : « mais bien sûr ! Vous avez raison ! Je vais créer une Terre qui sera comme ceci, ou comme cela, basée sur telles et telles valeurs qui a mon avis sont les bonnes », il aurait tout simplement échoué au test de son maître. En effet, cela aurait montré que son souhait était de créer un monde basé uniquement sur son propre système limité de valeurs. Il aurait bâti un monde à l’image de son propre égo, qui aurait reflété ses propres défauts et limites. N’est-ce pas là ce qui se passe quand des révolutions aboutissent à un régime totalitaire ? Lokeshvararaja veut absolument éviter cela, et souhaite donc vérifier que son élève est bien conscient de ce travers.

Dharmākara, ne tombe pas dans le piège et réaffirme son ignorance :

Mais ce sujet est bien trop vaste et profond pour moi ! Je vous supplie, honoré-du-monde, de m’enseigner en détail les pratiques par lesquelles les Bouddhas ont établi leurs propres Terres Pures.

Lokeshvararaja accepte alors de répondre à la requête de son élève. Il prend le temps de lui décrire une à une plus de deux milliards de Terres de Bouddha avec leurs qualités et leurs défauts, lui détaillant les pratiques ayant menées à leur édification.

Le Byōdō-in (平等院) à Uji, une représentation de la Terre Pure
Le Byōdō-in (平等院) à Uji, une représentation de la Terre Pure

Grâce à l’aide de son maitre, Dharmākara dispose maintenant des connaissances suffisantes pour choisir en toute objectivité les valeurs et pratiques qu’il souhaite défendre et implémenter dans le futur. Il connait également l’objectif qu’il doit atteindre s’il veut aider le plus grand nombre de personnes. Sur la base de tout cela, il définit ses vœux, ses propres objectifs qu’il souhaite atteindre et qui définissent clairement les qualités qu’il souhaite acquérir pour lui-même, qu’il désire faire acquérir aux personnes qu’il aidera et aussi celles que son monde devra posséder.

Nous avons tous notre propre vision du monde idéal. Nous voyons des choses qui nous paraissent inacceptables dans notre société et nous aimerions pouvoir les changer. Quand cela nous arrive, nous devrions nous demander : est-ce que je ne suis pas en train d’échouer au test de Lokeshvararaja ? Ces valeurs que j’aimerais imposer au monde, plus que des valeurs universelles, ne sont-elles pas le simple écho de mon propre égo, de mon vécu et du conditionnement de la société ? Il est important que, comme le fait Dharmākara dans le Soutra, nous prenions du recul sur notre système personnel de valeurs en le comparant à d’autre systèmes, réels ou imaginaires.

Les 48 vœux de Dharmākara et sa Terre Pure décrits dans le Soutra, en se posant comme une forme d’idéal et de symbolisme en opposition à notre monde réel, forment en cela un outil intéressant. Il est possible de l’utiliser à la fois pour mesurer l’état de notre société actuelle, mais aussi pour remettre en cause notre propre vision limitée du monde idéal.

Image de couverture : représentation originale de Dharmākara par Horimyo Bunshinshi

Première Stance du Shōshinge Troisièmes Stance du Shōshinge

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Bouddhiste Jōdo Shinshū basé en Franche-Comté qui souhaite partager avec vous sa passion pour cette tradition méconnue du Bouddhisme Japonais

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