Shōshinge – Douzième Stance : Les sept patriarches
Une stance d’introduction sur les sept patriarches du Jōdo Shinshū
Introduction
Le Shōshin Nembutsu Ge (正信念佛偈 – le poème sur la croyance véritable dans le Nembutsu) souvent abrégé Shōshinge est un poème long de 30 stances qui est récité tous les jours dans les temples Jōdo Shinshū. Il est extrait du Kyōgyōshinshō (教行信証), l’œuvre majeure de Shinran (親鸞, 1173 – 1262), le fondateur de notre école Jōdo Shinshū.
Dans cette douzième stance, Shinran introduit le thème de la deuxième partie du Shōshinge : les sept patriarches du Jōdo Shinshū et leurs apports respectifs au développement de la tradition de la Terre Pure.
Douzième stance du Shōshinge – Traduction
(12) Les commentateurs de l’Inde, sous le ciel de l’ouest
印度西天之論家 – In do sai ten shi ron ge
Et les moines éminents de la Chine et du Japon
中夏日域之高僧 – Chū ka jichi iki shi kō sō
Ont révélé la vraie raison de l’apparition du Grand Sage (Shakyamuni) en notre monde
顯大聖興世正意 – Ken dai shō kō se shō i
Et clarifié que les vœux primordiaux de l’Ainsi-Venu (Amida) répondent aux capacités des êtres.
明如來本誓應機 – Myō nyo rai hon zei ō ki
Douzième stance du Shōshinge – Commentaire : Une stance d’introduction sur les sept patriarches du Jōdo Shinshū
Avec cette stance, Shinran introduit le thème de la deuxième grande partie du Shōshinge qui est consacrée aux patriarches du Jōdo Shinshū et aux messages que Shinran tire de leurs enseignements.
Ces patriarches, au nombre de sept, et venant de l’Inde, de la Chine et du Japon ont été choisis par Shinran pour les clarifications que chacun d’eux apporta au sujet la voie de la Terre Pure. Ils montrent également l’évolution et la transmission à la fois temporelle et géographique des enseignements. Cette liste, propre à Shinran, diffère de celle crée par son maître Hōnen et reflète donc sa propre vision de l’évolution de l’école de la Terre Pure.
Contrairement à la plupart des autres écoles du Bouddhisme Japonais dans lesquels la transmission est décrite comme un processus continue de maître à disciple depuis l’époque du Bouddha, il n’y a pas de transmission continue directe dans les écoles de la Terre Pure Japonaise. Le lien qu’on retrouve entre les différents patriarches se trouve en particulier au niveau de l’importance et de l’influence de leurs écrits respectifs concernant le Terre Pure pour les générations futures.
Ainsi, le troisième patriarche Tanluan (Donran, 曇鸞) qui vécut au 6ème siècle, n’a jamais connu en personne le second patriarche Vasubandhu (Tenjin, 天親) qui vécut au 4ème ou 5ème siècle. Cependant Tanluan est connu pour avoir écrit un commentaire majeur sur le commentaire que Vasubandhu avait fait du « Grand Soutra de Vie-Infinie ». De même, bien que Daochuo (Dōshaku, 道綽) le 4ème patriarche n’ait jamais rencontré Tanluan, c’est après avoir visité le temple de ce dernier et lu une épitaphe à son sujet qu’il décida de se consacrer à la voie de la Terre Pure.
Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de l’analyse des différentes stances consacrées à chacun des patriarches, mais une des particularités de Shinran est à la fois son respect envers ceux qu’il désigne comme les patriarches du Jōdo Shinshū combiné à la liberté avec laquelle il interprète leurs écrits.
Sa révérence pour les maîtres passés se retrouve notamment dans la place qu’il leur accorde dans ses écrits. Ainsi l’œuvre majeure de Shinran, le Kyōgyōshinshō est composée en très grande majorité de citations des maîtres passés, les propres paroles de Shinran n’occupant qu’une toute petite partie du texte. De même les stances louant les patriarches et leurs apports à la tradition couvrent presque les deux-tiers du Shōshinge. Shinran consacre également tout un autre poème entièrement aux sept patriarches, nommé le « poème sur les moines imminents » (高僧和讃).
Une autre marque du respect de Shinran envers les patriarches se trouve dans le nom même que Shinran s’est choisi. En effet, ce nom est composé de deux caractères : 親 (shin) venant du nom japonais du deuxième patriarche Tenjin (天親) et 鸞 (ran) venant du nom du troisième patriarche Donran ( 曇鸞).
En terme de liberté, comme nous l’avions déjà vu dans le commentaire de la cinquième stance, Shinran n’hésite pas à jouer sur la flexibilité offerte par la lecture japonaise des textes chinois pour changer la lecture traditionnelle de certains passages. Il applique ce procédé autant à sa lecture du Soutra qu’à celle des textes des patriarches. En plus de cela, il n’hésite pas à placer certaines parties de ces textes hors contexte, voire à carrément supprimer des phrases de certains paragraphes dans ses citations.
Ainsi nous comprenons que pour Shinran les patriarches sont surtout une aide et une inspiration alimentant sa réflexion personnelle et ne représentant aucunement une forme figée d’orthodoxie.
Si nous voulons être fidèle à Shinran, nous ne devons pas hésiter nous aussi à l’imiter dans notre lecture des textes religieux, en faisant preuve à la fois de respect pour les maitres passés et de créativité dans nos interprétations.