Shōshinge – Vingt-septième Stance : Genshin – être embrassé constamment par la lumière du Bouddha
Genshin – sur la lumière du Bouddha Amida brillant constamment sur tous les êtres
Introduction
Le Shōshin Nembutsu Ge (正信念佛偈 – le poème sur la croyance véritable dans le Nembutsu) souvent abrégé Shōshinge est un poème long de 30 stances qui est récité tous les jours dans les temples Jōdo Shinshū. Il est extrait du Kyōgyōshinshō (教行信証), l’œuvre majeure de Shinran (親鸞, 1173 – 1262), le fondateur de notre école Jōdo Shinshū.
Dans cette vingt-septième stance, Shinran, en se basant sur Genshin, nous rappelle que la Compassion et Sagesse Infinies du Bouddha Amida brillent constamment sur tous les êtres, même si nous ne pouvons la voir.
Vingt-septième stance du Shōshinge – Traduction
(27) [Genshin dit :] « Les personnes dont les fautes sont extrêmement lourdes doivent uniquement nommer le Bouddha »
極重惡人唯稱佛 – Goku jū aku nin yui shō butsu
[Et également :] « Bien que moi aussi, je sois embrassé par [la Lumière du Bouddha],
我亦在彼攝取中 – Ga yaku zai hi ses shu chū
Mes yeux sont obstrués par les passions et je ne peux la voir,
煩惱障眼雖不見 – Bon nō shō gen sui fu ken
Pourtant sa grande compassion m’illumine constamment et inlassablement »
大悲無倦常照我 – Dai hi mu ken jō shō ga
Vingt-septième stance du Shōshinge – Commentaire : Genshin – sur la lumière du Bouddha Amida brillant constamment sur tous les êtres
Le premier vers de cette stance concerne le passage suivant du Kyōgyōshinshō au chapitre sur les « Corps de Bouddha et Terres de Transformation » que nous avons cités dans le commentaire de la stance précédente. Shinran se base sur ce passage pour encourager ses lecteurs et lui-même à prendre la mesure de leurs propres capacités. Shinran se comptant lui-même parmi les rangs des personnes jugées extrêmement mauvaises par Genshin.
Ainsi, lorsque je médite sur la compréhension de [Genshin] le Maitre du Shuryogon-in, je vois qu’il révèle dans le « Chapitre qui témoigne du Nembutsu » que le 18ème vœu est le vœu spécial parmi tous les vœux spéciaux [du Bouddha Amida]. Il dit, en exhortant les êtres des pratiques méditatives et non-méditatives enseignées dans le Soutra des Contemplations, « les personnes extrêmement mauvaises devraient simplement dire [le nom d’] Amida. » Cela signifie que les moines et laïcs de ce mode impur feraient bien de considérer avec soin leurs propres capacités. Réfléchissez-y bien ! »
La deuxième citation de Genshin qui compose cette stance du Shōshinge est commentée par Shinran dans ses « notes sur les inscriptions des rouleaux sacrés ». Ces notes étaient réalisées à l’attention de ses disciples afin de leur expliquer le sens des citations accompagnant certaines images sacrées :
L’inscription en hommage au Maître Genshin du Shuryogon-in [dit :] « Bien que moi aussi, je sois embrassé par [la Lumière du Bouddha], mes yeux sont obstrués par les passions et je ne peux la voir, pourtant sa grande compassion m’illumine constamment et inlassablement. »
[Commentaire de Shinran :]
« Bien que je ne puisse la voir » : avec les yeux des passions mauvaises, il est impossible de voir [la lumière du Bouddha].
« La grande compassion inlassablement » : les bienfaits du grand amour et de la grande compassion ne fatiguent jamais.
« M’illumine constamment » : la lumière illimitée brille constamment sur la personne [qui a reçu] Shinjin.
« Illumine constamment » a le sens de protège constamment. Et « Moi » : réalise que le grand amour et la grande compassion inlassablement et constamment protègent ton être. Il s’agit là du bénéfice d’être saisi et de ne jamais être abandonné. Sache que ce passage expose le sens des mots « les êtres sentients [qui pratiquent le] Nembutsu sont saisis et ne seront jamais abandonnés. »
Ainsi, nous comprenons que bien que nous ne puissions la voir, la lumière de la Compassion et de la Sagesse Infinie sont bien présentes en nous à tout moment. Il suffit que nous nous en remettions à elle pour prendre à nouveau conscience de sa présence. Cette interprétation subjective du Bouddha Amida est, par exemple, celle que donne Kaneko Daiei dans son livre « l’idée de la Terre Pure (Jōdo no kannen 浄土の観念) » :
Lorsque j’arrive à une compréhension juste de mon être tel qu’il est réellement, alors l’action de prendre refuge se réalise en moi, ma tête s’incline naturellement et le désir de tomber à genoux et de joindre mes deux mains apparaît en moi. Lorsque cela arrive, le Bouddha apparaît comme une partie de cette prise de refuge.
Traduction basée sur une traduction anglaise non-publiée réalisée par le Prof. Michael Conway de l’Université Ôtani.
Ainsi, comme dit ci-dessus, lorsque l’acte de prendre refuge se réalise en moi, d’un côté se trouve mon Moi submergé par les passions mauvaises et la détresse, et de l’autre apparaît le Bouddha à la Lumière Infinie qui illumine ce Moi. Donc, on ne peut pas dire que je vois d’abord qu’il y a le Bouddha et qu’ensuite je prends refuge en lui, mais plutôt que quand mon action de prendre refuge apparaît, alors le Bouddha apparaît dans le domaine objectif.
Ainsi, pour nous, lorsque nous en venons à vraiment connaitre notre vraie nature et que l’action de prendre refuge se manifeste en nous, alors la question de l’existence ou la non-existence du Bouddha cesse d’avoir de l’importance. Ou, dit d’une autre façon, les termes exister et ne pas exister eux-mêmes deviennent problématiques. Lorsque nous disons que le Bouddha existe, qu’imaginons-nous habituellement ? Nous imaginons qu’il y a quelque part un être incroyable ressemblant plus ou moins à un être humain qui, voyant notre souffrance, se sent désolé pour nous et décide de nous aider. Alors nous décidons que nous devons prendre refuge dans ce Bouddha. Il va de soi qu’il ne s’agit pas là d’une pensée très pure de notre part. Puisqu’elle est basée sur un raisonnement du type « Je vais croire au Bouddha s’il existe, mais il serait stupide de croire en quelque chose qui n’existe pas », elle est en quelque sorte impure parce qu’elle sous-entend que nous devrions d’abord nous assurer que le Bouddha existe, et ensuite seulement croire en lui.
Le Bouddha qui apparait lorsque nous nous voyons tels que nous sommes réellement et que nous joignons nos deux mains tout en prenant refuge n’existe pas dans le sens que nous attribuons habituellement au mot existant. A la place, il s’agit de quelque chose qui transcende les concepts d’existence et de non-existence, qui ne rentre pas dans les limites de ces mots.